Dernière mise à jour de la page le 16/04/2025

Quand station d’épuration rime avec réutilisation …

Propos recueillis par Muriel THUET (SITEUCE) et Céline KULLMANN (Veolia Agriculture France)

Sensible à la problématique de l’économie circulaire, le SITEUCE met la “réutilisation” à l’honneur sur sa station d’épuration. Réutilisation des boues d’épuration en agriculture. Réutilisation des eaux usées traitées sur site et à l’extérieur. De beaux exemples de recyclage.

Monsieur Olivier Zinck,

Adjoint au Maire de Colmar et Président du SITEUCE depuis 2020, nous détaille comment le syndicat réussit à conjuguer fonctionnement d’une station d’épuration et développement durable.

Syndicat Intercommunal de Traitement des Eaux Usées de Colmar et Environs ou SITEUCE :

Syndicat mixte créé en 1978
Compétences : traitement des eaux usées
Membres : 7 (Colmar Agglomération, Syndicat Mixte d’Assainissement du Vignoble, Syndicat Intercommunal des Eaux de la Plaine de l’Ill, Communauté de Communes de la Vallée de Munster, Communauté de Communes de la Vallée de Kaysersberg, Communauté de Communes Alsace Rhin-Brisach, Commune d’Ostheim), représentant 140 000 habitants.

Le recyclage agricole des boues de Colmar comme contribution à l’économie circulaire

La station d’épuration du SITEUCE est située au Nord-Est de Colmar.
Elle a été construite en 1976 pour traiter essentiellement la pollution carbonée et rejeter une eau plus propre dans l’Ill. Puis des travaux d’extension ont eu lieu de  entre 1994 et 1997. Depuis, elle traite aussi l’azote et le phosphore. Elle réceptionne les effluents des 44 communes raccordées. Sa capacité est donc actuellement de 250 000 équivalents – habitants. « Cet outil permet, d’une certaine manière, de redonner vie à une eau que je qualifierais de morte » explique M. Zinck.

L’épuration des eaux usées produit un déchet : les boues d’épuration. Ces boues sont riches en éléments fertilisants, utiles à la croissance des cultures. C’est pourquoi elles peuvent être réutilisées en agriculture, en remplacement des engrais de synthèse. C’est ce que l’on nomme le recyclage agricole.

Dans le cas de la station d’épuration de Colmar, les boues, déjà épaissies, font tout d’abord l’objet d’une déshydratation par centrifugation. Ceci permet de réduire le volume de boues à traiter et faciliter leur manipulation. La production annuelle s’élève alors à environ 15 000 tonnes de boues brutes à 20 % de siccité (matière sèche). Les boues déshydratées sont ensuite évacuées régulièrement vers un site de compostage avant valorisation en agriculture. « Avec la valorisation agricole des boues, la logique d’économie circulaire est complète. L’eau nettoyée retourne à la rivière et la matière organique retourne à la terre » ajoute M. Zinck.

La station d'épuration de Colmar vue du ciel

La valorisation agricole des boues de Colmar : une filière vertueuse

Veolia Agriculture France recycle ainsi les boues déshydratées issues de la station d’épuration de Colmar via un processus de compostage. Ceci offre, in fine, une solution durable pour la gestion de ces déchets urbains. Chaque année, Veolia traite ces boues sur son site de compostage à Cernay (68), pour 75 % du tonnage, et sur un site partenaire dans les Vosges, pour les 25 % restants. Les opérateurs y mélangent alors les boues déshydratées avec des déchets verts broyés, provenant de collectivités proches des sites. On obtient ainsi un compost hygiénisé normalisé selon la norme NF U44-095.
Ce compost est épandu sur les terres agricoles aux alentours de Colmar. Ceci concerne environ 850 hectares annuellement. Ce sont alors 8500 tonnes de compost/an qui trouvent ici une seconde vie. « Cette approche permet de valoriser un compost fabriqué localement, à partir de sous-produits issus des particuliers et des collectivités » complète M. Zinck. « Ceci permet donc d’enrichir les sols agricoles en matière organique, tout en réalisant des économies sur l’apport d’engrais chimiques ».

Cette initiative du SITEUCE, en partenariat avec Veolia, illustre parfaitement les principes de l’économie circulaire. On transforme en effet ce qui était autrefois considéré comme un déchet en une ressource valorisée par l’agriculture locale. Ceci contribue à réduire l’empreinte environnementale du milieu urbain. Et permet aussi de soutenir l’agriculture durable dans la région de Colmar en favorisant un retour au sol de la matière organique « urbaine ».
« Il s’agit donc d’un véritable partenariat gagnant-gagnant avec les agriculteurs » souligne M. Zinck.

Un épandage de compost de boues

La REUT Box, un geste pour la nappe phréatique

Aujourd’hui, le SITEUCE voit encore plus loin, toujours dans le même esprit d’économie circulaire. D’où de nouvelles installations, telles que la REUT Box (Réutilisation des Eaux Usées Traitées) et les panneaux photovoltaïques (voir encart). « Ces nouveaux développements sont complémentaires de la valorisation en agriculture des boues d’épuration déjà en place », confirme le Président. « Nous souhaitions faire un pas de plus vers le développement durable et la préservation de l’environnement.»

Ainsi, la station d’épuration du SITEUCE traite annuellement environ 16 millions de m3 d’eaux usées. A l’inverse, la collectivité pompe près de 130 000 m3 d’eau dans la nappe phréatique d’Alsace pour le nettoyage des équipements et autres usages internes.
« La nappe d’Alsace a toujours été considérée comme une ressource quasi illimitée. Mais, aujourd’hui, les évolutions climatiques bousculent ce postulat de plus en plus » alerte M. Zinck. « Aussi est-il important d’économiser cette réserve ».
C’est pourquoi le SITEUCE a décidé, courant 2023, de mettre en place une REUT Box. Celle-ci permet de réutiliser une partie de l’eau traitée à la station et habituellement rejetée au milieu naturel. « L’impact sur l’environnement est considéré comme non significatif », rassure-t-il. En effet, les 130 000 m3 en question représentent moins de 1 % du volume total restitué au milieu naturel. Et cette eau se substitue ainsi au même volume jusqu’alors issu de la nappe.

La REUT en pratique

Le système est simple. On pompe l’’eau nécessaire dans le canal de sortie de la station d’épuration, avant son rejet dans l’Ill. On la traite ensuite avec un module intégré : le « skid ». Ce dernier comprend une unité de filtration, un système de désinfection par UV et un autre d’injection de javel.

Le Skid de traitement

Ce traitement tertiaire permet d’aboutir à une eau de qualité. Elle est compatible avec les usages internes (nettoyage…) et la protection des personnels, ainsi qu’avec les usages externes prévus.
Un suivi analytique de différents paramètres, dont les matières en suspension ou certains microorganismes, s’ajoute alors au pilotage quotidien de la station d’épuration.
L’installation se compose de deux modules et a une capacité de production d’eau industrielle de 20 m3/h. En pratique, l’eau sera stockée dans une citerne de 40 m3. Dès lors que ce volume sera entamé, le skid de traitement s’enclenchera afin de maintenir une réserve d’eau constante.

Des contraintes administratives

Pour valoriser cette eau industrielle, il faut demander une autorisation à la Police de l’Eau et à l’Agence Régionale de Santé. De plus, cette autorisation est spécifique à un type d’usage et à un périmètre géographique précis.

« Le SITEUCE a d’ores et déjà reçu l’autorisation permettant d’utiliser l’eau en interne », annonce M. Zinck. « Il a également déposé un dossier pour certains usages externes.» Dans un premier temps, il concernera l’alimentation des camions hydrocureurs venant dépoter à la station. Il est aussi question du remplissage des citernes des balayeuses de la Ville de Colmar. « Des conventions seront à signer avec les intéressés », précise le Président.

Enfin, une demande pour l’arrosage des fleurs et autres ensembles végétalisés de la voie publique devrait également être déposée. « Avec les restrictions d’eau du fait du réchauffement climatique, ce troisième volet aura tout son sens », insiste-t-il.

Le coût total de l’opération se monte à 225 000 € HT. Elle a été subventionnée à hauteur de 80 % par l’Agence de l’eau Rhin Meuse et la Région Grand Est – Climaxion. Les travaux ont commencé au mois d’août 2024 et se sont achevés en janvier 2025.

La citerne de stockage d’eau industrielle

Economies d’énergie et panneaux photovoltaïques

Le SITEUCE et son exploitant travaillent également sur les économies d’énergie. Ils remplacent ainsi systématiquement les équipements énergivores par du nouveau matériel plus économe. La station consomme, en effet, annuellement, environ 6 500 MWh d’électricité.
Partant de ce constat, l’installation de panneaux photovoltaïques était une évidence.

Les panneaux photovoltaïques installés en toiture

Après étude, cette implantation a été réalisée sur une partie des toitures des bâtiments techniques de la station. L’installation permettra de produire 212 MWh/an, soit l’équivalent de 3 % de la consommation annuelle. Cette production sera autoconsommée dans son intégralité.

La surface totale dédiée est de 1 635 m². Elle accueille environ 480 panneaux posés sur plots. Il a fallu reprendre l’étanchéité des toitures-terrasses et ajouter des garde-corps sur toute la périphérie, pour la sécurité du personnel.

Les travaux se sont déroulés de juin 2024 à février 2025.

Coût de l’installation : 273 000 € HT, subventionnés à 15 % par la CeA et 13 % par la Région Grand Est – Climaxion.